Départ-Rodage

Jeudi 1er novembre
Tours-Blois (70 km)


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Cette date de départ —le 1er novembre— est un jour férié en France en l'honneur de la Toussaint. Elle avait été fixée en juin lors d'une des dernières rencontres avec mes collègues. Au courant du projet, certains avaient manifesté le désir d'accompagner les premiers tours de pédale. Pour que ce soit possible, le départ devait s'opérer un jour férié. De plus, cette année 2007, le 1er novembre tombait un jeudi. Avec le pont du vendredi, cette date ouvrait donc quatre jours libres de travail. Elle avait résisté à diverses pressions, entre autres, celles d'une amie d'origine algérienne. En effet, pour les Algériens, le 1er novembre est la date anniversaire de l'insurrection armée de 1954.
Dans la culture chrétienne, c'est le jour de la démocratisation de la sainteté: tous saints. Ce jour fête la consécration des gens ordinaires comme porteurs d'extraordinaire, comme reliés à plus qu'eux-mêmes, capables d'union et de communion infinie, presque à notre insu, aux limites de notre compréhension et action. Toutes et tous des super-vivants en somme, des supermen et women, des mutants.
En fait, quel meilleur jour pour entamer ce voyage dont j'ai longtemps cherché le nom? Dans mon journal de bord, à ce moment, je l'appelais "la route des en-marche" vers la hiéro-formation.

Des Lectures du jour, je relie
  • le triomphe des élus au ciel (Apocalypse 7,9)
  • « dès maintenant nous sommes enfants de Dieu,mais ce que nous serons n'a pas encore été manifesté; Nous savons que lors de cette manifestation, nous lui serons semblables parce que nous le verrons tel qu'il est » (1J3,1-3)
  • aux béatitudes (M5,1-12)
Ce soir-là, j'ai eu une réponse à une question initiale qui me taraude depuis mon enfance: les pauvres, les doux, les souffrants, les affamé et assoiffés de justices, les pacifiques sauvent le quotidien. La "Tous saint" est la réponse de l'Amour Tout-Puissant aux vivants en recherche, en marche, dans les grandeurs et misères du quotidien.

Françoise me laissait sur le message suivant:
« Le vent souffle où il veut
et l'on entend sa voix
qui parle sur la ville
Jouant ses propres jeux
Ses jeux de liberté. »
Et Brigitte me souffle quelques versets du psaume des montées (Ps 120)
« Yahvé te garde au départ, au retour, dès lors et à jamais »
Elle me donne l'idée d'emporter une Bible complète pour livre de voyage, même si son format est plus volumineux et encombrant que seulement les Evangiles ou le second Testament. Et elle m'en donne une.
Mohammed, lui, me téléphone et me promet un Coran!

Le départ s'effectue donc à 10h avec Françoise, Brigitte, Francis et Noël.
Prise de photos, symboles de reliance transhistorique, aux pieds de:
  • Descartes, né à Tours en 1596 et mort à Stockholm en 1650.
  • Rabelais, né près de Chinon en1494 et mort à Paris en 1553. Les deux rappellent que le voyage faisait partie de la formation philosophique in vivo.
  • Saint Martin, né à Sabaria (Slovénie actuelle) en 315 et mort à Candes en 397. En 2005, le Conseil de l'Europe l'a déclaré personnage européen. Son tombeau à Tours a suscité un des premiers grands pèlerinages et l'Église catholique l'a consacré comme patron de l'Europe.
Noël demande ensuite en vélo quel verbe retenir des trois. Il propose:
  • penser pour Descartes;
  • rire pour Rabelais, promoteur du gai savoir de la vie;
  • Francis répond partager pour Martin.
Françoise nous accompagne jusqu'au carrefour du Rond point de la France Libre. Noël jusqu'à la fin de la piste cyclable à la sortie se Saint-Pierre-des-Corps. Et ensuite Francis et moi partons au partage, avec les voitures, de l'étroite D151 jusqu'à Amboise où nous attend pour le repas de midi un ami d'enfance: Michel S. Pour lui, Jérusalem est plutôt un repoussoir. Il en veut aux monothéismes qu'il lie de façon forte aux colonialismes et aux intégrismes avec des stéréotypes toujours très agissants.

Ce voyage ne fait donc pas l'unanimité. Il est très chargé lui-même de stéréotypes qui le rendent polyvalent, attirant ou repoussant, en tout cas interpellant. J'expérimenterai souvent par la suite les interrogations qu'il suscite. Cette surcharge de sens entremêlés et concentrés est un de ses principaux intérêts.

Ce bon repas et cette bonne discussion me donnent ensuite l'idée de prendre en photo les personnes significatives rencontrées, comme indicatrices du réseau interpersonnel tissé par la route. Pour moi, la prise de photos n'est pas un réflexe naturel. Et je dois m'initier à un appareil numérique. Sans tomber dans le travers d'un prédateur de photons, il me faut apprendre à voir et percevoir le monde, pour moi et pour les autres, et donc à accueillir et cueillir les éléments pertinents qui s'offrent. Et à les offrir à mon tour aux autres par l'intermédiaire du blogue que Yann, notre fils journaliste, m'a proposé d'ouvrir et de tenir. Ainsi les réseaux internet mettent en scène sociale virtuellement planétaire ma mise en selle solitaire. Opération absolument inédite pour moi. Que d'apprentissages à entreprendre pour dialoguer avec le monde, localement et globalement, et pour faire de ce voyage une route des "mondialoguants, selon un deuxième nom qui s'est proposé pour nommer ce périple dans le prolongement d'une planète de l'autoformation à développer.

À Mosnes, petite localité à 10km d'Amboise, arrêt pour un bonjour rapide à "Mamé", la mère d'un neveu. C'est elle qui ouvre la galerie de portraits des personnes rencontrées. Je photographierai Michel au retour.

Un guide du patrimoine culturel du château de Chaumont-sur-Loire à 25 km de Blois —Jean-François M.— a soutenu il y a un mois un mémoire du Master Ingénierie de la formation, option accompagnement. Ce mémoire porte sur l'actualisation socio-formative de l'accompagnement des visites des monuments culturels faisant partie du patrimoine. Je rappelle que le Val de Loire dans lequel nous roulons a été classé récemment en 2000 par l’Unesco comme site du Patrimoine Mondial. Et Chaumont a été une porte d'entrée en France de la Renaissance Italienne. Malgré la fermeture du château le 1er novembre, il m'a donné rendez-vous pour une visite personnelle. Mais la journée s'avance. En novembre la nuit tombe tôt. À 17h, Brigitte nous attend à Blois pour ramener Francis, son mari, à Tours où ils ont un repas prévu. Dilemme : début de l'apprentissage de la gestion horaire des trajets !

Nous lui téléphonons. Elle est déjà arrivée à Blois avec Françoise que je dois retrouver chez des amis le soir. La seule solution possible pour concilier l'ensemble des données en jeu, c'est qu'elles reviennent à Chaumont pour prendre Francis en voiture et revenir à temps à Tours. Je visite donc seul le château avec Jean-François. Visite chaleureuse au pas de course qui me fait découvrir ce lieu historique magnifiquement situé. Elle me confirme aussi les compétences professionnelles et personnelles de JF. Elles devraient pouvoir pleinement se déployer dans la dynamique de redéfinition des fonctions de ce lieu culturel nouvellement confié à la Région Centre.

Je termine donc seul les 25 derniers kilomètres. Ce furent les plus difficiles de la journée: tombée de la nuit, vent devant, début de crampe! Ne pas paniquer. Ne pas forcer. Prendre son mal en patience. Et surtout passer à un autre niveau. Comme on doit changer de vitesse sans dérailler, il faut penser à autre chose: ajouter les idées ou le métaphysique au simple effort physique. Ce dernier épuise et aplatit s'il ne sert pas de piste de décollage.

C'est jeudi soir, me dis-je. Le soir de mon rendez-vous hebdomadaire avec Celui qui, dans une situation limite, agonistique, a demandé « demeurez et veillez ». La réponse à cette demande de présence et de veille à des moments critiques peut se faire partout,. Dans les lieux ouverts, publics, passants, comme le lieu inaugural —le jardin de Gethsémani. Donc sur les routes, à la croisée des chemins et pas seulement dans des lieux clos, clôturés, culturellement réservés à une minorité de spécialistes. L'originalité de la Nouvelle Alliance n'est-elle pas qu'elle peut se nouer dans toutes les situations quotidiennes? Et que les lieux ouverts, les voies publiques sont peut-être plus propices —ou du moins aussi formateurs de sacré— que les lieux clos consacrés?

Et puis Françoise doit m'attendre au carrefour de la N152 et du chemin vers la maison de Marie-Christine. Donc une grande préoccupation en moins. De plus, les crampes ne s'accentuent pas mais au contraire disparaissent!

L'arrivée et le débarquement chez Marie-Christine et Michel me font expérimenter pour la première fois la pertinence de mon équipement: décrochage et ouverture des sacoches pour passer d'une tenue de route à une tenue de soirée et de nuit. « Disposer le tout en trois sacs étanches » m'avaient conseillé Joseph et Monique: celui de la nuit, celui du linge de rechange et celui de la tenue de sortie.

Bienheureuse douche et bienheureux survêtement en laine polaire acheté pour l'Assekrem en l'an 2000 et qui reprend du service. Bienheureuses pantoufles légères d'avion !

S'immerger dans la culture de la maison : Michel à la retraite, passionné de gothique plantagenêt; Marie-Christine qui sort d'une période de santé difficile; les deux avec un fils en insertion professionnelle. Nuit reposante dans les bras de Morphée... et de Françoise et dans de beaux draps roses qui s’avèreront les plus beaux d’ici Rome! Aucune douleur particulière ne remonte de cette première journée test. Donc je peux continuer. Pas de contre-indication majeure.

Marie-Christine me donne un tube d'Arnica pour prévenir les courbatures. Michel me propose de m'accompagner pour me faire traverser Blois et me mettre sur la piste cyclable Blois-Beaugency.

Pour continuer sur les bords de la Loire du 1er au 9 novembre...

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