Le dilemme de la géo-photographie en vélo

Samedi 3 novembre
Chaingy-Gien (70km)

Départ donc vers 9h, car la route va être plus longue (70km) et Armelle m'attend à 10km au pont de l'Europe, à l'entrée d'Orléans. On se rencontre à 9h45. Elle me propose l'itinéraire rive nord, le contraire de celui de Jean-Claude! On part donc par un bout de piste cyclable jusqu'à Saint-Jean-de-Braye. Mais cette belle piste se transforme ensuite en sentier pédestre où, avec son VTT, elle est plus à l'aise que moi avec mon randonneur. Par contre, ce sentier suit un canal avec des paysages merveilleux jusqu'à Chécy et Pont-aux-Moines.

Ce paysage appelle à s'arrêter pour prendre de multiples photos. Tension et débat intérieur pour conjuguer l'attraction de la beauté locale avec la préoccupation de la distance à parcourir pour arriver à terme. Ce débat me poursuivra tout le temps du trajet jusqu'à Rome. Apprendre à le traiter est fondamental. Cet apprentissage fait passer du déplacement purement fonctionnel à la construction d'un voyage singulier. Pas évident de prendre le temps d'estimer chaque instant présent pour s'arrêter ou non et cueillir ainsi des lieux qui construisent un espace personnel arraché à un paysage fugace qui sinon disparaît aussitôt qu'apparu.
Mais souvent c'est le trajet qui tranche lui-même. Après le Pont-aux-Moines, la circulation de la Nationale 60 clôt le débat. Pas d'autre choix que d'avancer. Si bien que nous arrivons à Châteauneuf-sur-Loire à 11h30. Trop tôt pour trouver un restaurant ouvert pour un repas, avant de nous séparer. Un bar-tabac PMU veut bien nous accueillir.

Discussion avec Armelle sur ses recherches de fin de mémoire master sur un mystérieux « alpha virtuel » qui m'interroge. Ce serait des signes flottants de communication possible à actualiser pour construire justement cette communication par un message échangeable. On évoque aussi Jacques et les passionnants échanges avec le groupe des quatre: eux deux, Anne-Marie et Marc. Un coup de téléphone de son fils aux prises avec le plombier et une fuite d'eau, ainsi que le reste de route à faire, mettent fin à cette légère restauration. Elle repart sur Orléans et je continue sur Gien, via Saint-Benoît-sur Loire.

En pleine réfection, je ne peux photographier les représentations de l'Apocalypse que Michel M. et Marc S. m'avaient signalées. Mais en l'honneur de l'Auzouer-en-Touraine de Michel, je photographie le panneau indicateur annonçant Ouzouer-sur-Loire. La centrale nucléaire de Dompierre-en-Burly impose sa masse fumante de cathédrale moderne à cet environnement bucolique. Et finalement, surprise, la distance se révèle moindre que planifié: 70km au lieu des 80 estimés par Google. J'arrive donc à Gien un peu plus tôt que prévu. Mais personne à la Maison Familiale Rurale où je dois passer la nuit. Seul un chat m'accueille en miaulant désespérément d'un premier étage. On ne peut pas faire grand chose l'un pour l'autre. Personne non plus au téléphone portable de Cécile, la directrice. Je laisse mon numéro à son répondeur.

Je réussis à me mettre à l'abri sous une porte cochère. Ce qui me permet de mettre à jour ce journal. Mais à 17h, toujours rien. La recherche d'une alternative devient une nécessité. Je ré-enfourche mon vélo et descends vers le centre de Gien. Un kilomètre après, un coup de téléphone m'arrête. C'est Cécile qui m'attendait plus tardivement. Léger décalage horaire entre nous. Je reviens donc. À 18h, elle arrive avec son petit garçon, Matéo. Elle m'installe dans la Maison dont je dispose à moi tout seul. Repas frugal avec le pain qu'elle m'avait apporté et des fromages tirés d'un frigo. Repas bienvenu, même s'il est solitaire, car il m'évite de repartir dans la nuit.

Cécile a fait une thèse sur l'esprit critique avec Frédérique L. Avec elle, elles ont, la semaine prochaine, une réunion du Groupe de Recherche et d'Etude sur la Formation, l'Éducation et le Développement (GREFED) créé par Georges Lerbet, fondateur des Sciences de l'Education à Tours. Je la charge de saluer les participants qui me sont toutes et tous chers.

Cette attente dans une soirée mouillasseuse de novembre a éprouvé mon moral. Elle m'a fait repérer et saluer un bel arbre. Mais en toute gratuité, sans que sa beauté réussisse à combler cette attente. Elle réussit au moins à me faire tenter de philosopher. La vie n'a pas de sens unique. Elle est au moins à double sens, sinon à plus. À chacun de construire le sien, avec les ambivalences, les matériaux et les partenaires disponibles, à choisir. La première strophe du psaume des montées (120) que j'avais décidé de ruminer ce matin, me revient avec mes aménagements:
« Je lève les yeux vers les hauteurs.
D'ou viendra mon secours?
Le secours me vient de L'Esprit
Qui fait le ciel et la terre »
Pour le moment, le secours s'incarne dans un coup de fil réconfortant de Françoise, avec un échange avec Brigitte et Francis, puisqu'elle est chez eux. Je peux m'engager dans une longue nuit solitaire mais reconstituante qui me fera désirer prendre une photo de cette Maison de Gien le lendemain.

Pour continuer sur les bords de la Loire du 1er au 9 novembre...

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